...l'enveloppe de DAU avec visa, plan, livret...
Dès que j’ai reçu la proposition de visa de DAU, j’ai sauté dessus. Après quelques questions basiques et la prise d’un selfie, j’ai reçu le papier permettant de récupérer le fameux visa. Je me suis rendue le jour J à l’heure dite et j’ai retiré mon visa, une petite carte avec photo et code barre à toujours avoir sur soi pendant le parcours. A l’entrée du théâtre de la Ville, je dépose mon téléphone dans un casier. Interdiction de garder avec soi un quelconque objet électronique; pas de trace photo et vidéo, chacun reste dans son expérience sans intermédiaire...
Le théâtre de la Ville est en travaux depuis quelques années, j’ai hâte de découvrir comment il a été investi par DAU. Je déplie le plan (sommaire) avec des mots au graphisme aride, je les suis et je découvre peu à peu le parcours: ORGY, COMMUNISM, BEYERAL, FUTURE,... l’espace est à nu sans fioritures avec ces grands lettrages noirs. Je me retrouve dans une petite salle de projection au sous-sol après avoir visionné des rushs des films. Le premier film que je vois est DAU 7 avec Lev Landau (prix Nobel de physique en 1962) et cette jeune femme qu’il séduit. J’ai la traduction dans l’oreillette par une voix atone. J’aime bien ce procédé, ça ne masque pas la langue russe. Le film est beau, lent, voyeuriste et violent. Je me sens prise au piège et en même temps je veux connaître la fin. C’est gênant, un peu.
...dans la salle du théatre de la Ville, mise à nu...
En 2009, 400 personnes ont été enfermées volontaires dans un institut, sorte de camp, mini ville, pour recréer le laboratoire du scientifique Lev Laudau à Kharkov en Ukraine, en acceptant les règles, celles appliquées en URSS dans les années 1938-1968. Pendant 3 ans, sous la coupe du cinéaste, Ilya khrzhanovskiy, ils ont travaillé, vécu, fait des rencontres, des enfants, créé des relations. Scientifiques, étudiants, serveuses, fille au paire, cuisiniers, agents du KGB, habillés comme à l’époque, ont bu, beaucoup, mangé, fumé, baisé, partagé ces appartements communautaires, travaillés, ont terrorisé et ont été soumis. Le tout dans des ambiances clair-obscure, où l’on sent les conditions météo, les saisons sans vraiment les voir. Les plans sont rapprochés (très), il y a quelques belles perspectives mais on ne voit jamais l’Institut dans sa totalité.
...partie de cartes dans les appartements communautaires du théâtre de la Ville...
Je sors de là un peu secouée, je repars en exploration, beaucoup d’escalier, j’arrive à COMMUNISM: reconstitution des appartements communautaires, meubles et accessoires d’époque, les habitants sont aussi habillés comme à l’époque. Certains faisaient parti de l’aventure originelle, d’autres ont été invités pour habiter le lieu pendant les trois semaines de l’expérience à Paris. Un couple au fond est en train de jouer aux cartes, ils parlent russe mais en fait le mari est français. Il aime bien ce que je peins, il trouve que j’ai bien rendu l’atmosphère de bric et de broc avec la soupe en train de cuir et le lit défait dans l’autre pièce. J’entends que le chamane va arriver mais je ne peux pas l’attendre, mon VISA expire bientôt… Je dois continuer mon exploration.
A DAU, on doit lâcher prise du monde extérieur, ne rien attendre, se laisser emporter par l’histoire et les personnages. BRAIN, là-haut, salle de concert mais les musiciens répètent.
Je prends quelques minutes pour manger un bortsch dans une écuelle en alu, pain noir, cornichons malossol et purée d’aubergine.
Il est un peu tôt pour la vodka mais j’aimerais bien la goûter.
Je vais vers FUTURE, la salle du théâtre, elle est complètement à nu, murs sols gradin en béton brut, la cage de scène aussi avec les dessous complètement ouverts avec un trou béant. Il fait froid, le son est trop fort et le film est ultra-violent, scène d’humiliation pendant un interrogatoire musclé, violences et viol avec une bouteille, c’est trop… je décroche un peu, je me mets à peindre, dans le noir, à la lueur de la console vidéo. J’essaie de rendre le vertige que procure l’ambiance.
J’ai moi aussi le vertige, le film est terminé, je sors prendre l’air après un coup d’œil à la boutique: boîtes de conserve, tampons, carnets, de la camelote moderne « designée » à la russe communiste!
Dans cette exploration de DAU, il y a trois lieux parisiens, reliés par un triangle de lumière, la nuit. Le deuxième est le Centre Pompidou : au fond du musée permanent, un petit espace reconstitue un morceau de l’Institut avec décor, portes, fenêtres mobilier et accessoires. Il y a quelqu’un qui travaille. C’est flippant. Je le dessine. Dans le noir avec des crayons, stylo plume. Quelques minutes plus tard, je pose les grands ombres à l’aquarelle.
Les gens sont déçus, ils trouvent cela petit mais par contre ils "trippent" sur le mec dans la vitrine; ils ne savent pas si il est "vivant" ou en cire!
Quelques jours plus tard, je peux enfin découvrir le Théâtre du Châtelet qui n’avait pas eu l’autorisation administrative d’ouvrir. J’ai donc demandé une prolongation de mon Visa pour 6 heures supplémentaires. Avant de rentrer, je peins la façade qui est barrée de grands écrans Led avec les images en noir et blanc issues des films. DAU clignote en noir, rouge et blanc.
Je rentre par le côté, accompagnée d’une hôte en combinaison de travail grise, ils sont tous habillés comme cela, de toutes nationalités. Elle m’emmène dans une petite salle, pas de traduction oreillette mais des sous-titres en anglais, je passe au premier rang car ils sont illisibles du fond de la salle. Le film est toujours aussi violent et intrusif, les femmes sont sans arrêt humiliées par des hommes affreux et dégoûtants...
Je passe ensuite quelques minutes dans une cabine en aluminium à discuter sur le Bonheur avec une charmante jeune fille. Elle veut voir mes aquarelles, elle aime bien.
Puis, je file pour une visite « guidée », il parait qu’on va voir des trucs secrets: notre guide nous raconte l’origine du projet: les 13 films tournés dans le labo a Kharkov puis le travail de montage pendant des années et enfin la première mondiale à Paris dans les 3 lieux. Elle nous emmène dans le restaurant QG de l’équipe au fond duquel on s’introduit dans un vagin géant, l’atmosphère est glauque et chaleureuse à la fois; c’est cela le projet DAU, on est en permanence pris entre deux sentiments, le dégoût et l’impatience de découvrir de nouvelles choses. C’est clivant pour le public mais aussi pour soi. Il faut se laisser envahir, pénétrer par les visites, s’installer, laisser le temps passer. Si on s’attend à quelque chose, on sera déçu. Par contre si on n’attend rien , on peut s’ouvrir et être surpris...
Puis les bureaux, la chambre à la russe, le salon peint, on s’installe, on discute du projet, on rencontre les personnages des films en vrai ou en cire. Ils commencent à être familiers pour moi, ils deviennent des compagnons de visite.
Il y a plein de choses que j’ai attendues, que j’ai manquées que je n’ai pas trouvées, certains ont eu plus de chance que moi, de croiser le chamane ou Brian Enno, d’écouter un pianiste extraordinaire ou de croiser Marina Abramovic en transe.
Chacun a vécu sa propre expérience de DAU, certains ont détesté, d’autres ont adoré. Je ne pourrai pas définir mes sensations par « blanc » ou « noir », j’ai aimé ou pas aimé, c’est beaucoup plus complexe… Les films m’ont hanté plusieurs jours après, l’atmosphère, les relations malsaines entre les participants, la beauté des décors et des costumes qui est paradoxale dans cet univers.
Le projet est maintenant à découvrir à Londres.
[ aquarelles sur carnet 21x60cm ]
A DAU, on doit lâcher prise du monde extérieur, ne rien attendre, se laisser emporter par l’histoire et les personnages. BRAIN, là-haut, salle de concert mais les musiciens répètent.
Je prends quelques minutes pour manger un bortsch dans une écuelle en alu, pain noir, cornichons malossol et purée d’aubergine.
Il est un peu tôt pour la vodka mais j’aimerais bien la goûter.
Je vais vers FUTURE, la salle du théâtre, elle est complètement à nu, murs sols gradin en béton brut, la cage de scène aussi avec les dessous complètement ouverts avec un trou béant. Il fait froid, le son est trop fort et le film est ultra-violent, scène d’humiliation pendant un interrogatoire musclé, violences et viol avec une bouteille, c’est trop… je décroche un peu, je me mets à peindre, dans le noir, à la lueur de la console vidéo. J’essaie de rendre le vertige que procure l’ambiance.
J’ai moi aussi le vertige, le film est terminé, je sors prendre l’air après un coup d’œil à la boutique: boîtes de conserve, tampons, carnets, de la camelote moderne « designée » à la russe communiste!
...dans l'appartement de Landau au Centre Pompidou...
Les gens sont déçus, ils trouvent cela petit mais par contre ils "trippent" sur le mec dans la vitrine; ils ne savent pas si il est "vivant" ou en cire!
...DAU envahit la façade du théâtre du Châtelet...
Je rentre par le côté, accompagnée d’une hôte en combinaison de travail grise, ils sont tous habillés comme cela, de toutes nationalités. Elle m’emmène dans une petite salle, pas de traduction oreillette mais des sous-titres en anglais, je passe au premier rang car ils sont illisibles du fond de la salle. Le film est toujours aussi violent et intrusif, les femmes sont sans arrêt humiliées par des hommes affreux et dégoûtants...
Je passe ensuite quelques minutes dans une cabine en aluminium à discuter sur le Bonheur avec une charmante jeune fille. Elle veut voir mes aquarelles, elle aime bien.
Puis, je file pour une visite « guidée », il parait qu’on va voir des trucs secrets: notre guide nous raconte l’origine du projet: les 13 films tournés dans le labo a Kharkov puis le travail de montage pendant des années et enfin la première mondiale à Paris dans les 3 lieux. Elle nous emmène dans le restaurant QG de l’équipe au fond duquel on s’introduit dans un vagin géant, l’atmosphère est glauque et chaleureuse à la fois; c’est cela le projet DAU, on est en permanence pris entre deux sentiments, le dégoût et l’impatience de découvrir de nouvelles choses. C’est clivant pour le public mais aussi pour soi. Il faut se laisser envahir, pénétrer par les visites, s’installer, laisser le temps passer. Si on s’attend à quelque chose, on sera déçu. Par contre si on n’attend rien , on peut s’ouvrir et être surpris...
Puis les bureaux, la chambre à la russe, le salon peint, on s’installe, on discute du projet, on rencontre les personnages des films en vrai ou en cire. Ils commencent à être familiers pour moi, ils deviennent des compagnons de visite.
Il y a plein de choses que j’ai attendues, que j’ai manquées que je n’ai pas trouvées, certains ont eu plus de chance que moi, de croiser le chamane ou Brian Enno, d’écouter un pianiste extraordinaire ou de croiser Marina Abramovic en transe.
Chacun a vécu sa propre expérience de DAU, certains ont détesté, d’autres ont adoré. Je ne pourrai pas définir mes sensations par « blanc » ou « noir », j’ai aimé ou pas aimé, c’est beaucoup plus complexe… Les films m’ont hanté plusieurs jours après, l’atmosphère, les relations malsaines entre les participants, la beauté des décors et des costumes qui est paradoxale dans cet univers.
Le projet est maintenant à découvrir à Londres.
[ aquarelles sur carnet 21x60cm ]