Depuis plus de deux ans que je suis les manifs en direct watercolor, j’ai subi les aléas des différentes saisons. En plein hiver, c’est vraiment dur. La pluie, le froid ou même la neige parfois sont de vrais freins à continuer.
Je me couvre beaucoup mais le froid parvient toujours à s’immiscer dans les moindres interstices. S’il se met à pleuvoir, c’est foutu, je dois m’arrêter !
Sur la place de la République, un rayon de soleil perce les nuages. J’installe tout mon matériel, bien harnaché, pour pouvoir me déplacer rapidement. Pour l’instant, il y a peu de monde. Aux pulsations des enceintes, je comprends peu à peu que ce n’est pas tout à fait une manifestation classique contre la loi sécurité globale mais plutôt une sorte de rave organisée et légale. En effet, la marche des libertés est autorisée mais elle ne rassemble pas tout à fait les gens habituels. Ils.elles sont jeunes, les cheveux colorés et de drôles de coupes. Dès les premiers sont, ils.elles se mettent à sauter en secouant la tête. En fait c’est le collectif Maskarade qui organise des raves parties sauvages depuis quelques temps (confinés) qui est à la manœuvre. Donc ça va danser et sauter tout l’après-midi !
Je découvre aussi un petit groupe de « touche pas à mon pote » pour moi c’est un revival des manifs des années 90 et cela faisait longtemps que je ne les avais pas vu. Je m’amuse à les croquer rapidement avec ces dizaines de mains jaunes. Ils sont très jeunes, ça fait plaisir de les voir.
Il faut que je finisse rapidement car le poids du support avec le matériel pèse sur mon bras gauche et je commence à faiblir. Les gens sont de plus en plus nombreux, je commence à me faire bousculer. J’ai en plus l’impression d’être un objet de foire, je me fais photographier de tous les côtés, certains super polis me demandent l’autorisation, les autres le font sans vergogne. Faut vraiment que me bricole une mini pancarte avec mon nom instagram, pour que je puisse être tagguée...
Quelques minutes plus tard, je me suis installée sur un plot en béton, j’ai posé mon matériel. Je suis un peu excentrée et je vais travailler en dominante rouge. Je pose rapidement les premières grandes touches pour bloquer la composition. c’est là que je me fais interpeller par une jeune fille qui me demande mon nom et l’autorisation pour me prendre en photo, très sympa (!) Je retrouverai ses photos plus tard sur instagram: c’est vraiment drôle de voir à quoi je ressemble en « artiviste », une véritable guerrière, qui se fout de son image et dont seule la victoire (contre les éléments) compte !
J’ai accroché l’aquarelle précédente à mon sac en attendant qu’elle sèche, il ne faut pas qu’il pleuve… Les gens bougent et dansent, il y aussi quelques discours, un peu chiants, je dois avouer,… J’essaie de choper ici ou là une attitude un geste une expression qui exprimer l’instant.
Je prélève et note certains textes de pancartes, j’aime bien les choisir en fonction de ce que je souhaite exprimer ce jour là. Aujourd’hui elles sont rouges sang comme la colère que je ressens depuis plusieurs semaines face à cet état des choses.
Je pensais qu’il y aurait plus de culture car elle était conviée à cette manif mais il semble qu’elle ne soit présente que par la musique. J’aimerais voir plus de performances ou éléments visuels … Un peu de beauté pour nous sortir de nos idées noires serait la bienvenue.
[ aquarelles 30x40cm sur papier aquarelle – ©Marion Rivolier ]