dimanche 14 février 2021

Est-ce que les grands magasins vont remplacer les musées ? ...


Cela fait maintenant trois mois que je n’ai pas mis les pieds dans un musée pour découvrir une nouvelle exposition ou voir des œuvres que je ne connais pas encore. C’est un véritable manque, un trou béant dans mon imaginaire qui ne peut pas se renouveler uniquement avec les écrans… L’espace est un de mes outils de travail et je ne peux pas me contenter de voir et d’apprendre par les livres ou les écrans. J’ai fondamentalement besoin de comprendre le monde dans ses mouvements, flux et compositions spatiales. J’ai besoin d’exercer ma spiritualité au musée. Ne peut-on ouvrir les lieux de cultes et les musées en alternance afin de contenter tous les fidèles, ceux qui croient en dieu et ceux qui croient en l’art ?

Et comble du comble, après des mois d’abstinence, où est ce que je me retrouve pour admirer enfin une installation grandiose? Dans un grand magasin, temple de la consommation, alors que je ne les ai pas fréquenté depuis de nombreux mois. C’est bien le Bon Marché qui nous offre la magnifique opportunité de découvrir l’œuvre L’amazone érogène de l’artiste française Prune Nourry.

Tout en pédalant, je me réjouis de ces quelques heures volées au temps du Corona virus. J’ai préparé soigneusement mon matériel pour être la plus rapide possible dans mon installation sur site. J’ai peint toutes les installations précédentes (Ai Wei Wei, Joanna Vasconcelos, Suhita Shiora...) et j’attends d’être surprise par cette transformation artistique du lieu.
En arrivant, j’ai en tête toutes les œuvres de prune Nourry que j’ai vues au fil des ans, les Terracota Daughters au 104, ou le Bouddah du musée Guimet, les images de son film poignant Serendipity  (2019) reviennent en vague et me serrent la gorge dans un sanglot réprimé. Je découvre l’arc bandé sur la première face de l’escalator de Putman, monumental, il tire sa flèche sur cette cible-sein. Mais c’est le recto qui m’emmène ailleurs et me touche au cœur : ces centaines (888) de flèches semblent en mouvement et être tirées sous mes yeux vers cette unique cible, le sein de l’amazone. 



Plus je la regarde, plus je passe du temps à la peindre, plus je suis embarquée dans son histoire et dans la puissance de cette volée de flèches. Je savoure ces moments privilégiés en dialogue avec cette œuvre. Je peins deux aquarelles, en cherchant à exprimer le mouvement et l’espace transformé par cette installation. C’est un jeu subtil de valeurs colorées, en ton sur ton, tout en préservant au maximum la réserve de blanc.

Je ne pensais pas, un jour, être privée de la possibilité de me nourrir des œuvres et d’en profiter autant que je le souhaitais.
Je ne pensais pas, un jour, devoir aller exclusivement dans des lieux commerciaux pour voir des œuvres.
Je ne pensais pas, un jour, avoir envie d’utiliser la force pour ouvrir moi-même les grilles fermées des musées.
Pourquoi est-ce que l’on n’ouvre pas les musées aux scolaires puisqu’ils vont à l’école ? Pourquoi les activités pédagogiques dans les musées sont annulées ? N’a-ton pas la possibilité de compter et filtrer à l’entrée des musées et des expositions ?

Je suis sans voix alors je continue à peindre…

L’Amazone Érogène est à voir jusqu’au 21 février au Bon Marché, rue de Sèvres à Paris.
Les 888 flèches qui composent l’installation L’Amazone Érogène sous les verrières centrales du Bon Marché sont mises en vente par Prune Nourry, dans un but non-lucratif

[ aquarelles 30x40cm sur papier aquarelle – ©Marion Rivolier 2021 ] 


It has now been three months since I set foot in a museum to discover a new exhibition or see works that I do not yet know. It's a real lack, a gaping hole in my imagination ... Space is one of my working tools and I can't just see and learn through books or screens. I fundamentally need to understand the world in its movements, flows and spatial compositions. I need to exercise my spirituality in the museum. Can we not open places of worship and museums alternately in order to satisfy all the faithful, those who believe in God and those who believe in aArt? And to crown it all, after months of abstinence, where do I find myself to finally admire a grandiose installation? In a department store, the temple of consumption, when I haven't visited them for many months. It is the Bon Marché that offers us the magnificent opportunity to discover the work “L’amazone Érogène” by the French artist Prune Nourry. These hundreds (888) of arrows seem to be moving and being shot before my eyes towards this single target, the Amazon's breast. The more I look at it, the more time I spend painting it, the more I am embroiled in its history and in the power of that volley of arrows. I savor these privileged moments in dialogue with this work. I paint two watercolors, seeking to express the movement and the space transformed by this installation. It is a subtle play of colored values, tone on tone, while preserving the reserve of white as much as possible.

I didn’t think, one day, that I would be deprived of the possibility of nourishing myself with the works and enjoying them as much as I wanted.

I didn't think that one day I would have to go exclusively to commercial places to see works.

Why aren't museums opening up to school children since they go to school? Why are educational activities in museums canceled? Isn't it possible to count and filter at the entrance to museums and exhibitions?

I am speechless so I continue to paint...