En novembre et décembre, pendant le confinement #2, le gouvernement a voulu faire voter une loi dont un des articles obligerait les journalistes et photographes de presse à se déclarer avant de couvrir une manifestation. Il y aurait aussi des restrictions pour « filmer » les forces de l’ordre, dans un but de leur nuire.
Je ne suis pas journaliste mais croquer en « manifs » est une des choses qui m’intéresse particulièrement car c’est l’archétype du « capturer sur le vif ». J’aime relater un moment qui ne reviendra jamais et le dessin, la peinture, et la couleur permettent de rendre une ambiance et une atmosphère rapidement. Il ne s’agit pas de faire un « beau » dessin mais de raconter une histoire, autrement que part les mots et la photographie. On insuffle dans nos dessins une part de vie et d’émotion qui est singulière.
Il commence à faire froid et humide et les conditions pour peindre sont difficile mais cela ajoute de l’émotion aux dessins, je pense. Je dois harnacher mon matériel sur un petit dispositif fait maison (décrit dans mon bouquin d’ailleurs) et ainsi je peux peindre debout et même en marchant.
En ce moment, les manifs, c’est compliqué. Il faut rester « aux aguets » car elles peuvent dégénérer à chaque instant même si tout semble calme et bon enfant.
Fin novembre à République, tout est ok, je suis avec Mat Let. Même si j’ai été bousculée au début, j’ai fini par trouver un point d’observation tranquille, avec vue sur la statue de la République. Il y a quand même quelques taches sur les aquarelles car la première a fait un vol plané avec la boîte et tout le reste. C’est la règle du jeu. Ne pas avoir peur de (se) salir.
La dernière aquarelle de fin de journée est peinte près de Bastille. Le jour commence à décliner.
Ça commence à chauffer, nous sentons les gazs lachrymo et les pompiers et CRS s’activent et vont et viennent au cœur du cortège. Quand nous voyons débouler les motards masqués (brigades spéciales manifs), à fond train, nous décidons de quitter les lieux avant que cela ne dégénère… Nous avons eu raison. Il y a eu beaucoup de dégâts ce jour là place de la Bastille.
[ aquarelles 30x40cm sur papier aquarelle – ©Marion Rivolier 2020 ]